25/01/2010

L'année Vincere

Fin d'année oblige, je me plie à l'exercice incontournable de la traditionnelle liste des films de l'année.

Mes 10 films préférés :
- Vincere, de Marco Bellochio
- Inglourious Basterds, de Quentin Tarantino
- Etreintes brisées, de Pedro Almodovar
- Public Enemies, de Michael Mann
- Le Ruban blanc, de Michael Haneke
- Bright Star, de Jane Campion
- Les Beaux gosses, de Riad Sattouf
- Dans la brume électrique, de Bertrand Tavernier
- Coraline, d'Henry Selick
- Un prophète, de Jacques Audiard

5 reprises en salle :
- Pas d'orchidées pour Miss Blandish, de Robert Aldrich
- Traitre sur commande, de Martin Ritt
- L'esclave libre, de Raoul Walsh
- Occupe-toi d'Amélie, de Claude Autant-Lara
- The Proposition, de John Hillcoat (pas vraiment une reprise puisque ce film n'est jamais sorti en France)

Vu lors des derniers jours du mois de décembre, "Vincere" de Marco Bellocchio, s'impose sans conteste comme le plus beau film d'une année qui fut pourtant très riche, et ce, malgré quelques critiques dédaigneuses, heureusement minoritaires, et une très mauvaise distribution qui l'empêcha de passer la barre des 200 000 spectateurs. C'est d'autant plus dommage que "Vincere", par sa forme audacieuse et la force de son sujet, parvient à conjuguer, une fois n'est pas coutume, l'exigence d'un film d'auteur et un classicisme propre à séduire un large public.
Présenté en sélection officielle lors du dernier festival de Cannes, "Vincere" est le deuxième film de la compétition, avec le très beau "Bright Star" de Jane Campion, consacré à un personnage - féminin - lié de près à une figure historique mais oublié des livres d'histoire. Si le traitement intimiste de "Bright Star" se prêtait tout naturellement à la description du quotidien, tout en rêverie et en contemplation, de la maîtresse de Keats, en revanche, le lyrisme puissant, proche de l'opéra, de "Vincere" s'accorde merveilleusement avec le parcours fougueux et chaotique de la femme martyr de Mussollini. Parvenir à tenir en haleine deux heures durant et donner au film les allures d'une odyssée alors que la majeure partie de celui-ci se déroule dans un asile psychiatrique n'est pas le moindre exploit de Marco Bellocchio.
Certes, le film se présente moins comme un film politique ou une fresque historique que comme un mélodrame à la Douglas Sirk ou Fassbinder (quelque que soient par ailleurs les différences esthétiques et thématiques les distinguant de Bellocchio) centré sur la destinée d'une femme, mais on ne peut s'empêcher de penser qu'Ida Dalser, la femme délaissée de Mussolini, personnifie l'Italie qui s'offre littéralement à son Duce (l'attraction qu'exerce Mussolini sur Ida Dalser au début du film est purement physique) puis se retourne violemment contre lui lorsqu'elle se trouve finalement trahie.
Plastiquement superbe, riche en trouvailles visuelles audacieuses notamment grâce à un usage savant des images d'archive, et inspiré de bout en bout, "Vincere" est à la fois une oeuvre classique et expérimentale et achève de consacrer Bellocchio comme l'un des plus grands réalisateurs mondiaux.