12/05/2011

Minuit à Paris - cherchez Woody

Après l’éblouissant "Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu", concentré des obsessions et des thématiques de son auteur que je n’hésitais pas à qualifier de "film-somme", Woody Allen s’offre une pause récréative avec ce "Midnight In Paris", filmé dans cette capitale qui semble tant fasciner le cinéaste et dont le tournage l’an dernier avait été abondamment suivi par tous types de médias confondus. Oh, rien d'infamant dans cette expression de « pause récréative », c’est même souvent dans ses films dont l’ambition semble la plus modeste et sur lesquels souffle un vent de légèreté que Woody Allen réussit ses films parmi les plus drôles ("Broadway Danny Rose", "Scoop"), les plus caustiques ("Whatever Works") ou même les plus brillants ("Manhattan Murder Mystery"). L’ambiance de son film précédent était grave, voire funèbre. Rien de cela ici. Si ses personnages sont bien (comme souvent) des insatisfaits, c’est avec jubilation que Woody Allen se plaît à les faire voyager dans le temps pour les confronter à tous les artistes qu’il admire : Scott et Zelda Fitzgerald, Hemingway, Dali, Bunuel, Man Ray…, puis lors d’un second voyage Toulouse-Lautrec et Gauguin ! Pour une fois, comme Mia Farrow dans "La Rose pourpre du Caire", Woody permet à ses personnages d’accéder à leurs désirs, de vivre la vie dont ils ont toujours rêvé et peu importe qu’il s’agisse d’un simple fantasme.
Il faut dire que Paris n’a pas la même valeur sentimentale pour Woody Allen que ces autres villes d’exil, comme Londres ou l’Espagne qu’il filme comme un simple décor. Ici, dès les premiers plans, la ville est filmée sous toutes les coutures, de jour et de nuit, sous le soleil ou sous la pluie, comme si le cinéaste essayait d’en capter l’essence, forcément magique. D’ailleurs la magie constitue le meilleur élément du film : les apparitions fantomatiques des voitures d’époque sur la montagne Sainte-Geneviève, les figures célèbres rencontrées au hasard des cafés et des fêtes tandis que le visage halluciné d’Owen Wilson constitue le contrepoint comique de ce surgissement du merveilleux.
Malgré ces saisissements, le film déçoit : les personnages qui côtoient notre héros "dans la vraie vie" sont de vulgaires caricatures de pédants, de républicains réactionnaires ou d’hystériques (drôle de rôle ingrat pour Rachel McAdams). De même, les artistes et la femme rêvée aperçus lors du voyage dans le temps sont tirés à gros traits et ne servent qu’à pimenter cet amusant paradoxe temporel sans jamais être intégrés à l’action. D’ailleurs, d’action il n’y en a point, ni de progression dramatique non plus. Les personnages incarnés par Owen Wilson et Marion Cotillard exposent explicitement la "morale" du film (l’éternelle nostalgie d’une époque inconnue donc sublimée) et le volte-face final d’Owen Wilson ne surprend pas. Les seconds rôles "tapissent" le film, certains disparaissent inexplicablement (le cuistre incarné par Michael Sheen, omniprésent au début du film, passe à la trappe, par enchantement sans doute, après le premier tiers). Muni d’une belle idée et d’un beau décor, un scénario paraissait sans doute superflu. Sans doute, à l’instar de son héros, la capitale a-t-elle exercé le même pouvoir de fascination auprès de Woody Allen, mais à la différence près que son inspiration créatrice n’a pas vraiment été décuplée. Restent quelques beaux plans (photographie réussie de la capitale) et quelques bonnes idées de mise en scène.

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