
Autre prix, autre joie : la récompense attribuée à Jean Dujardin, acteur souvent brillant dans des œuvrettes qui ne le valaient pas. Dans "The Artist", de Michel Hazanavicius (film très apprécié tant par les journalistes hexagonaux qu'internationaux), il prouve encore une fois qu'il a plus d'une corde à son arc et qu'il n'est pas du genre à décliner ad nauseam son rôle de Brice de Nice ou de OSS 117. Cette récompense justifiée nous plaît d'autant plus que le jury a su disqualifier Sean Penn, donné pourtant favori, en roue libre dans ce pensum digne du Jarmusch des mauvais jours qu'est "This Must Be The Place" de Paolo Sorrentino qu'on a connu plus inspiré quand il filmait dans son pays natal (l'Italie). Jouant la carte du faussement "cool" et accompagné d'une BO "sympa", le film se traîne mollement, faute d'enjeu dramatique, au rythme d'une intrigue louche (une rock-star déchue à la recherche d'un criminel nazi... tout un programme). Pour en revenir à "The Artist", Hazanavicius réussit ce qui paraissait sur le papier une véritable gageure : la réalisation d'un film muet. Bien sûr, l'artifice du dispositif conduit à certaines maladresses (l'absence de dialogues obligeait, au temps du muet, à une inventivité permanente de la mise en scène, ce qui n'est pas toujours le cas ici, mais il serait de mauvaise foi de regretter qu'Hazanavicius ne soit pas Murnau), mais quelques trouvailles habiles et surtout la belle énergie des interprètes (et en premier chef, Jean Dujardin donc) emportent aisément l'adhésion. Surtout, le réalisateur parvient à dépasser le simple pastiche de ses OSS 117 pour réaliser une œuvre originale et personnelle - et finalement un bien bel hommage au cinéma et à sa magie. Certains dégoiseront sur la légitimité de la présence d'un tel film en compétition- et pire encore, sur le fait qu'il obtienne une récompense - sous prétexte qu'il s'agit là d'un divertissement. Et alors ? Nous pensons au contraire qu'il est particulièrement sain pour un festival aussi reconnu et au rayonnement international de s'ouvrir à tous les types de cinéma : le cinéma d'auteur certes, mais aussi le cinéma de genre (représenté cette année par Takeshi Miike et Nicolas Winding Refn) ou le cinéma d'animation (peu représenté, il est vrai, lors de cette édition). Il n'y aurait rien de pire, à mon sens, que Cannes symbolise le repli sur soi, consacrant un certain cinéma auteuriste, voire autiste, inaccessible au grand public. Dès lors, quoi de plus réjouissant que de voir un divertissement aussi réussi que "The Artist" figurer au palmarès ? Il ne lui reste plus qu'à lui souhaiter un joli succès en salles et à l'étranger (avec un Oscar à la clé ?).